Double programme survolant un intervalle de vingt années de création chorégraphique pour le Ballet Preljocaj, entre HELIKOPTER créé en 2001 sur une œuvre de Karlheinz Stockhausen et LICHT, nouvelle création et hommage au compositeur à travers une partition de Laurent Garnier. Au Théâtre de la Ville jusqu’au 3 mai.
D’abord il y a ces pales qui retiennent sur terre plus qu’elles ne permettent l’envol. Quatre hélicoptères associés à un quartet à cordes projètent dans tout l’espace sonore un voile qui menace, à tout moment, de nous absorber dans ses limbes stridents. Cloué.e.s sur place, on ne sait trop que faire. D’autant plus que le sol n’a plus la stabilité qu’on lui connaissait. Par une série de projections vidéo le voilà surface aqueuse, damier ou encore plancher ajouré. Mais, au milieu de ce désordre sensible, une petite humanité refuse la léthargie et s’active. Concentrés entre terre et cieux, des corps résistent et explorent l’horizontalité. S’unissant parfois à d’autres, ils affirment dans des mouvements précis leur existence, refusant de se laisser défaire par la musique. De cet engagement rude avec une partition à l’envahissante puissance évocatrice, c’est d’ailleurs ce qui a poussé Preljocaj à l’envisager, émane une certaine rigidité fascinante, exigeante et sombre.
À l’inverse, LICHT, de part même son titre, se veut un passage vers la lumière, un chemin à nouveau ouvert vers des cieux élyséens. Les corps portent ici des couleurs, se mêlent les uns aux autres, s’alanguissent quand ils ne s’entraident pas. La musique composée par Garnier, plutôt que d’être perturbante, s’entend comme un soutien jusqu’à inviter à l’amour inconditionnel avec un remix du tube « Change your heart » des Korgis. Rien d’étonnant alors à sentir un souffle de liberté se répandre sur scène par des mouvements d’ensemble où chaque danseur.se donne l’impression d’une profonde attention à l’autre. Une certaine idée du paradis, à en croire les propos Stockhausen diffusé lors de ce dernier et irradiant tableau.
Intéressant dialogue que voilà qui, tout en rendant hommage au compositeur allemand, permet dans un jeu de miroir, à Preljocaj et son ballet, de s’exprimer dans des registres différents, tout en affirmant un langage commun construit en plus de vingt années de carrière.
« HELIKOPTER/ LICHT »
chorégraphie Angelin Preljocaj
avec Liam Bourbon Simeonov, Clara Freschel, Mar Gomez Ballester, Paul-David Gonto, Lucas Hessel, Verity Jacobsen, Florette Jager, Beatrice La Fata, Yu-Hua Lin, Florine Pegat-Toquet, Valen Rivat-Fournier, Leonardo Santini
au Théâtre de la Ville, Paris jusqu’au 3 mai, au Pavillon Noir, Aix-en-Provence du 13 au 17 mai, au Théâtre de la Colonne, Miramas le 3 juin, au Théâtre Olympia, Tours, le 6 juin, à la Criée, Marseille du 11 au 14 juin, au Teatro Comunale, Bolzano le 18 juillet, à Ollioules du 24 au 26 juillet, au Théâtre de l’Archevêché, Aix-en-Provence les 30 et 31 juillet